La pollution des solspar les dioxines

La Ville d’Halluin a accueilli, trente ans durant, une usine d’incinération d’ordures ménagères dont les rejets atmosphériques ont pollué fortement un large territoire urbain, mais aussi agricole et notamment les prairies destinées à l’élevage bovin. Les dioxines étant lipophiles, elles s’accumulent dans le lait et c’est d’ailleurs l’industrie laitière qui, en 1998 puis en 2002, a révélé la présence de taux de dioxines supérieurs aux directives européennes en vigueur dans le lait des vaches de cette zone.

Au titre de sa responsabilité en matière de traitements des déchets ménagers, Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU) a signifié à Valnor, exploitant de l’incinérateur, la cessation de son fonctionnement et, par mesure de précaution, d’arrêter l’élevage dans la zone la plus contaminée : les agriculteurs ont été indemnisés, les terres contaminées ont fait l’objet d’une maîtrise foncière communautaire, dans l’attente d’un projet d’aménagement et/ou de requalification. La Ville d’Halluin et les services de l’État ont été étroitement associés à la gestion de cette crise. Le secteur de l’agriculture / élevage a été particulièrement impacté par cette pollution à Halluin et les terres les plus contaminées sont aujourd’hui en friche.

Depuis les années 2000, les émissions dans l’air des dioxines ont fortement diminué avec la mise en service d’un nouvel incinérateur et sont dorénavant largement sous les normes réglementaires. Cependant, du fait de la grande persistance de ces molécules organiques, la réduction des émissions ne se traduit pas par une réduction des teneurs dans les sols où persistent les molécules anciennes.

Le projet « Dioxines » proposé par l'association Halluin 3R comporte plusieurs enjeux :

  • évaluer les risques sanitaires liés au transfert éventuel de dioxines via les racines des légumes cultivés dans les jardins des habitants ;
  • restaurer leur confiance en matière de consommation locale ;
  • mais aussi réhabiliter la ressource sol afin de retrouver des espaces de nature, voire une activité maraîchère de qualité, précieuse pour répondre aux besoins alimentaires des populations locales.

Halluin 3R Projet globalsur les dioxines

Des acteurs aussi divers que la ville d’Halluin (territoire concerné), Triselec Lille (entreprise jouxtant la Ferme du Noir pot, ayant racheté à LMCU les bâtiments ainsi qu’une des parcelles fortement contaminées par les dioxines) et l’association Environnement Développement Alternatif (EDA – pionnière de l’expérimentation des phytotechnologies en Nord Pas de Calais pour extraire des métaux lourds des sols pollués sur le site METALEUROP à Auby) se sont mobilisés pour tenter de développer des méthodes innovantes de dépollution de sols contaminés par les dioxines.

En février 2007, l’association Halluin 3R (Recherche, Réseau, Requalification) a été créée pour concrétiser le projet sur l’un des  terrains de la ferme du Noir pot situé juste à l’arrière du site de l’ancien incinérateur d’Halluin d’une superficie de 4,9 ha. Il a été exploité en tant que prairie pour le pâturage de bovins jusqu’en 2002. Depuis cette date, il est en friche. Une convention a été signée entre Halluin 3R et Triselec Lille, propriétaire du terrain afin de mener des expérimentations sur une zone de 3500 m2) destinée à accueillir le projet recherches d’Halluin 3R.

Dès son lancement, informer  les habitants a été  la volonté des membres de l’association. D’abord  via une exposition Dioxines Cartes sur table sur ce que sont les dioxines puis régulièrement lors  des différentes étapes envisagées, enfin avec la présentation  des  résultats des analyses des légumes cultivés au sein du potager expérimental par les jardiniers locaux de l’association Coin de terre Halluinois, ceci pour concrétiser la volonté de transparence nécessaire pour dialoguer et instaurer une atmosphère de confiance réciproque.

Halluin 3R - Projet global sur la dégradation des dioxines

Le projet Halluin 3R

Afin de concrétiser ses objectifs, Halluin 3R a constitué un réseau de chercheurs,
ainsi qu'un Comité scientifique autour du thème des dioxines et a élaboré avec eux un projet en 3 parties :

Evaluation de la contamination potentielle des légumes par les dioxines

Après analyse des concentrations de dioxines sur le  site d'expérimentation du Noir Pot , le choix s'est porté sur une parcelle de 200m² où les teneurs en dioxines étaient les plus fortes pour y  cultiver les légumes potagers les plus courants afin d'évaluer,  à terme, leur éventuel niveau de contamination.

Les légumes étudiés sont de différentes espèces et variétés, représentatifs à la fois de ce qui est habituellement cultivé sur Halluin par les particuliers dans leur jardin potager, des différentes catégories de légumes : légumes racines, légumes feuilles, légumes fruits.

Le choix de ces légumes est réalisé en concertation avec les jardiniers de l'association Coin de Terre Halluinois. Les consignes de culture sont définies en accord avec les scientifiques pour respecter les protocoles de recherche et aucun légume n'est consommé. L'entretien des parcelles d'expérimentation est réalisé par cette association. Les légumes sont analysés par le LAS de l'INRA d'Arras.

Légumes

Développement de méthodes de remédiation biocompatible de sols pollués par des dioxines, couplant un procédé d'oxydation chimique avancée à la biodégradation par des champignons telluriques saprotrophes

Diverses études ont montré que la biodiversité des champignons telluriques saprotrophes (capables de se nourrir de matière organique non-vivante) pouvait être utilisée dans le cadre de la biodégradation des polluants organiques persistants et de la remédiation de sites pollués. Ces champignons endogènes du sol sont en effet capables de prospecter un large volume de sol grâce au caractère filamenteux de leur mycélium. Ce projet de recherche a pour objectif de mettre au point une méthode innovante de réhabilitation des sols historiquement pollués (industriels et urbains) par des POP couplant une oxydation chimique douce pour initier l’ouverture des cycles aromatiques des polluants et une oxydation biologique par des champignons.

Ce couplage de deux méthodes d’oxydation constitue l’originalité de cette recherche et pourrait permettre d’accélérer les procédés de dégradation des POP tout en préservant la structure et la biodiversité des sols, compartiment de l’environnement indispensable à préserver pour ses fonctions écosystémiques.

Ce projet est mis en œuvre par Monsieur E. VEIGNIE et Madame C. RAFIN de l'Equipe IPCR de l'UCEIV de l'ULCO de Dunkerque, en partenariat avec le LAS de l'INRA d'Arras.

Rôle de la mycorhization arbusculaire dans la phytoremédiation des sols contaminés par des dioxines/furannes

L’intérêt des champignons mycorhiziens à arbuscules vivant en symbiose avec les racines des plantes, comme outil de remédiation des sols pollués par des polluants organiques persistants, est double : d’une part, les mycorhizes améliorent l’efficacité de la dépollution des sols contaminés grâce à l’exploitation de leur capacité à dissiper les polluants et d’autre part, elles atténuent la phytotoxicité grâce à leur aptitude à améliorer les défenses des plantes contre les stress abiotiques. Cependant, les données concernant l’impact des dioxines sur la symbiose mycorhizienne arbusculaire ainsi que le rôle joué par cette symbiose dans la tolérance des plantes au stress induit par les dioxines et dans la biodégradation des dioxines sont peu connus. Ce projet de recherche vise à évaluer  (i) l’impact des dioxines sur la symbiose mycorhizienne à arbuscules (ii) l’éventuel rôle protecteur de la mycorhization contre la toxicité des dioxines vis-à-vis des plantes (iii) ainsi que le rôle de la symbiose mycorhizienne dans le devenir des dioxines dans le sol (biodégradation, bioaccumulation, produits de dégradation, transfert vers les parties racinaires et aériennes).

Ce projet est mis en œuvre par Madame A. LOUNES – HADJ SAHRAOUI et Monsieur J. FONTAINE de l'Equipe IPCR de l'UCEIV de l'ULCO de Calais, en partenariat avec le LAS de l'INRA d'Arras.

Ces deux volets du projet sont tout à fait innovants, car actuellement relativement peu de recherches sur la biodégradation des dioxines par des champignons ont été menées dans la perspective d'une dépollution concrète des sols contaminés par ces polluants, et jamais dans les conditions réelles du terrain. Par ailleurs, la technique qui sera mise au point pourra être dupliquée sur d'autres territoires.